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10/07 - GRÈCE - REFUSER LA DETTE ILLÉGITIME EST POSSIBLE !
LES EXEMPLES RÉCENTS DE L’ARGENTINE,
DE L’ÉQUATEUR ET DE L’ISLANDE


Eric Toussaint spécialiste de l'annulation de la dette travaille pour la Grèce en ce moment.

La Grèce, la dette, rappels et petites choses qui ne se disent pas dans les médias :

Eric Toussaint : L’audit révélera ce qui s’est réellement passé avec la Grèce les dernières années

Appel pour soutenir la Grèce qui résiste et sa Commission pour la Vérité sur la Dette publique.
4 mai 2015
Pour le droit des peuples d’auditer la dette publique.
Le problème de la dette constitue un fléau qui sévit presque partout en Europe et dans le monde
La lutte du peuple grec est notre lutte et sa victoire sera notre victoire car seule notre union fait notre force.
L’appel a été signé par Noam Chomsky, MIT, USA
L’article ici :
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Luttons ensemble avec les grecs 
contre l’euro-libéralisme 
destructeur des peuples !

31 mars par Eric Toussaint , Kostas Papagiannis du quotidien Avgi de Syriza
«Je ne vous dis pas que ce sera facile, je vous dis que ce sera utile»
Eric Toussaint, spécialiste de renommée mondiale sur le sujet de l’annulation de dettes illégitimes et odieuses, sera chargé de la coordination scientifique de l’équipe internationale de spécialistes qui participeront au Comité de l’Audit de la Dette ; ceci s’est constitué suite à la décision de la présidente du Parlement, Zoe Konstantopoulou.
Représentant du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde, Eric Toussaint a participé, en 2007, au Comité d’Audit de la Dette en Équateur, et il a aussi apporté ses conseils précédemment sur le sujet de la dette aux gouvernements du Paraguay, du Timor Oriental, du Brésil, de l’Argentine et à la Commission économique de l’Union Africaine |1|.
Eric Toussaint s’est rendu à Athènes pour la conférence de presse annonçant officiellement la constitution du Comité de l’Audit de la Dette et a répondu aux questions de «Avgi» |2|.
Il explique que le Comité a un double objectif : d’une part, armer le gouvernement grec d’arguments juridiques concernant la suppression partielle de la dette durant les négociations relatives à ce sujet ; d’autre part, les conclusions du Comité pourraient servir à la Justice qui enquête sur les conditions abusives des accords signés par les gouvernements précédents.
Il estime qu’il y a une campagne de distorsion de la réalité par rapport à ce qui s’est passé avec la dette de la Grèce : il note que les résultats des enquêtes du Comité révéleront à l’opinion publique grecque et européenne ce qui s’est réellement passé en Grèce, mais aussi, dans les autres pays signataires de Memorandums.

Avgi : Quels sont les résultats escomptés des travaux du Comité de l’Audit de la Dette grecque ?
Nous allons travailler avec une équipe de spécialistes grecs et de spécialistes venant de nombreux autres pays. Il s’agit de spécialistes en Droit International, en économie, en finance et en matière d’audit de la dette publique. Nous déterminerons la part de la dette qui pourrait être qualifiée d’illégitime, d’illégale, d’odieuse, d’insoutenable. Nous enquêterons et nous prouverons que, par exemple, telle part de la dette est illégitime pour telle raison. Ensuite, nous mettrons nos conclusions à la disposition du parlement et de toutes les autorités grecques.
Ce sont elles qui prendront les décisions qui s’imposent en se basant sur nos conclusions. Notre Comité n’a pas de pouvoir décisionnel. Nous pouvons seulement tirer des conclusions, aider les citoyens et les autorités de la Grèce à soutenir leurs positions sur le sujet de la dette avec des arguments juridiques.
Un élément très important –que la présidente du Parlement, Zoe Konstantopoulou, a énoncé très clairement– est que l’opinion publique grecque, les citoyens de la Grèce, nous assisteront dans notre enquête. Nous sommes ouverts à recevoir des dépositions, à récolter des opinions, afin de mieux mener notre enquête.

Avgi : La Grèce doit aux «institutions» (la Troïka) environ 80% de sa dette. Ceci ne complique-t-il pas le processus de restructuration de la dette et de l’effacement de sa part odieuse ?
Honnêtement, je pense que c’est plus simple, plus clair, comme ça. C’est un peu comme une tragédie grecque. Vous avez une unité d’acteurs (les membres de la Troïka) et une unité de temps –cinq ans– ; il y a des conditions très claires qui ont été imposées pour la dette de la Grèce. Vous n’avez pas de créanciers multiples, vous avez le FMI, vous avez 14 pays qui ont réalisé des prêts à la Grèce, le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF), la BCE

Avgi : Et les contribuables européens…
Non, pas exactement. Pensez vous que ce sont les contribuables européens qui ont décidé de prêter cet argent, et, en plus, sous ces conditions là à la Grèce ? Non. Personne ne leur a demandé leur avis. Les pays qui ont donné cet argent à la Grèce ne l’ont pas pris directement dans les poches de leurs citoyens. Il l’ont emrpunté aux banques. L’argent qui a été octroyé, sous la forme de prêts, à la Grèce figure déjà dans la dette publique de ces pays. La dette française, par exemple, a augmenté, parce que la France a prêté cet argent aux banques pour le prêter à la Grèce à un taux d’intêret prohibitif de 5,5% durant la période entre 2010-2011. Par la suite le taux a été réduit tellement l’abus était patent.
Ensuite la Grèce a utilisé cet argent pour rembourser les banques privées : les banques privées françaises, les banques privées allemandes, les banques privées italiennes, etc. Les citoyens des pays en question n’ont pris eux-mêmes aucune décision en la matière.
Il y a une campagne pour distordre la réalité. Ça se fait en généralisant les mensonges. Si l’on répète 100 fois la même chose, on finira par croire qu’elle est juste, qu’il s’agit de la réalité. Nous allons montrer que la réalité est autre. Le Comité montrera à l’opinion publique grecque, mais aussi à l’opinion publique française, allemande, etc., ce qui s’est réellement passé. Nous devrions être optimistes quant à la capacité de l’opinion publique à comprendre ce qui s’est réellement passé en Grèce les cinq dernières années. Et non seulement en Grèce, mais aussi à Chypre, au Portugal et en Irlande.

Avgi : Une part de votre travail consiste à vérifier les conditions dans lesquelles les accords des gouvernements précédents ont été conclus. À supposer que vous trouviez que certains de ces accords comprenaient des conditions abusives, que se passera-t-il avec ceux-ci et avec les personnes qui les ont contractés ?
Nous, nous allons arriver à des conclusions claires, à des responsabilités claires concernant les abus.
Il y a la séparation des pouvoirs, et la Justice est celle qui prendra la décision d’agir contre les responsables. La Justice qui, par ailleurs, a déjà engagé des poursuites dans les affaires de corruption de Siemens, d’OTE, de l’affaire de numérisation, etc.
Il est clair qu’avec notre enquête, nous allons trouver d’autres affaires similaires, et, par la suite, cela sera utile à la Justice, afin qu’elle puisse intervenir et assumer ses propres responsabilités.
Avgi : Que pensez vous des premières actions du gouvernement de A. Tsipras ? Êtes-vous optimiste quant aux résultats des négociations avec les institutions européennes concernant la dette ?
Je pense que les premières mesures prises par le gouvernement sont positives, comme celle de réembaucher les personnes licenciées, ou la décision de procurer de l’électricité gratuite à 300.000 familles, ou, encore, la décision d’augmenter, d’ici à Octobre 2016, le salaire minimum. Ces mesures sont positives, et j’espère qu’elles seront accélérées, car la crise humanitaire est très vaste en Grèce et il y a un grand nombre de personnes qui ne peuvent pas attendre des longs mois pour que certaines choses soient faites.
En tout cas, il semble clair que les citoyens soutiennent le gouvernement de A. Tsipras. Il me semble qu’aux derniers sondages entre 60% et 70% des citoyens approuvaient le nouveau gouvernement et considéraient ses actions positivement.
Maintenant en ce qui concerne les négociations avec les partenaires de l’U.E. et du FMI, il est évident qu’ils ne veulent pas accepter la proposition du gouvernement grec ; ils sont inflexibles. Par exemple, dans la décision qui a été signée le 25 février ils ne reconnaissent pas l’existence de la crise humanitaire. Je pense que cette position des créanciers est inacceptable.
Le gouvernement grec devra décider s’il poursuivra les négociations sur le même ton, ou s’il prendra une position plus ferme face à la position dure et rigide que tiennent la Commission Européenne et certains gouvernements européens.
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Alexis Tsipras et Eric Toussaint
Rappel: en 2007, l’Équateur dit non et remporte une victoire sur ses créanciers
15 mars par Eric Toussaint 
L’article 2 est particulièrement important, il définit ce qu’est un audit intégral de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque Africaine de Développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds Européen de Développement. Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur. Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.  qui est tout sauf un simple exercice purement comptable : «L’audit intégral se définit comme l’action de contrôle destinée à examiner et à évaluer le processus d’endettement et/ou de renégociation de la dette publique, l’origine et l’affectation des ressources ainsi que les projets financés par la dette interne et externe, afin de déterminer sa légitimité, sa légalité, sa transparence, sa qualité et son efficacité, sur la base des aspects légaux et financiers, des impacts économiques, sociaux, régionaux, écologiques et sur l’égalité des sexes, les nationalités et les populations.» Il faut souligner que la commission d’audit était constituée de délégués et déléguées des mouvements sociaux équatoriens (ils constituaient la majorité) et de délégués de campagnes internationales (dont le CADTM) agissant sur la problématique de la dette. S’y ajoutait quatre organes de l’Etat. Présentées en septembre 2008, après 14 mois de travail intense, les conclusions de la commission d’audit démontrent que de nombreux prêts ont été accordés en violation des règles élémentaires. En novembre 2008, l’Equateur a en conséquence décidé de suspendre le remboursement de titres de la dette Titres de la dette Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans). Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique. venant à échéance les uns en 2012, les autres en 2030. Ce faisant, ce petit pays d’Amérique du Sud est parvenu à racheter pour 900 millions de dollars des titres valant 3,2 milliards de dollars. Si on prend en compte les intérêts que l’Équateur ne devra pas verser puisqu’il a racheté des titres qui arrivaient à échéance en 2012 ou en 2030, le Trésor public équatorien a économisé environ 7 milliards de dollars. Cela a permis de dégager de nouveaux moyens financiers permettant au gouvernement d’augmenter les dépenses sociales dans la santé, l’éducation, l’aide sociale et dans le développement d’infrastructures de communication. En matière d’endettement, la Constitution équatorienne, adoptée au suffrage universel en septembre 2008, représente une grande avancée. L’article 290 soumet notamment tout endettement futur aux règles suivantes : 1. On ne recourra à l’endettement public que si les rentrées fiscales et les ressources provenant de la coopération internationale sont insuffisantes. 2. On veillera à ce que l’endettement public n’affecte pas la souveraineté nationale, les droits humains, le bien-être et la préservation de la nature. 3. L’endettement public financera exclusivement des programmes et projets d’investissement dans le domaine des infrastructures, ou des programmes et projets qui génèrent des ressources permettant le remboursement. On ne pourra refinancer une dette publique déjà existante qu’à condition que les nouvelles modalités soient plus avantageuses pour l’Équateur. 4. L’»étatisation» des dettes privées est interdite. Le décret de création de la Commission d’audit intégral de la dette (CAIC) en Equateur et les actions qui en ont résulté restent à ce jour uniques. Cela devrait constituer une source d’inspiration pour ceux et celles qui veulent avancer dans la lutte pour mettre fin à la domination des créanciers de la dette illégitime Dette illégitime Comment on détermine une dette illégitime ?4 moyens d’analyse * La destination des fonds : l’utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe. * Les circonstances du contrat : rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d’accord. * Les termes du contrat : termes abusifs, taux usuraires… * La conduite des créanciers : connaissance des créanciers de l’illégitimité du prêt. .

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Alexis Tsipras et Eric Toussaint
Refuser la dette illégitime est possible ! Les exemples récents de l’Argentine, de l’Équateur et de l’Islande
Article publié dans un numéro spécial sur la dette de Bruxelles Laïque
29 août 2014 par Chiara Filoni

Les dettes ont fortement augmenté en Europe depuis 2007-2008, c’est un fait. Les gouvernements européens n’ont pas réussi à gérer cette crise provoquée par le comportement des banques, ils l’ont même empirée, c’est un autre fait.

Ce n’est pas la première fois, et de loin, que les peuples et leurs États font face à une crise de la dette. Or, des solutions qui ne mettaient pas en danger les droits fondamentaux des peuples ont été trouvées, et ce dans de nombreux cas. Sans remonter à l’époque des rois et des tzars (qui ont été nombreux à annuler leurs dettes vis-à-vis de leur créanciers lorsque cela était nécessaire), regardons l’Histoire récente : entre 1946 et aujourd’hui il y eu 169 cas de suspension de paiement pour des périodes qui ont variés de 3 à 5 ans. 

Les exemples de l’Argentine, de l’Équateur et de l’Islande ici proposés ne représentent que les dernières expériences d’annulation de dettes dans l’Histoire, chacune avec ses intérêts et ses limites.

Argentine
Il s’agit de la plus grande suspension de paiement dans l’Histoire. Fin 2001, l’Argentine a suspendu le paiement de sa dette pour un montant de 90 milliards de dollars. Les grandes banques nord américaines, italiennes et allemandes détenaient la partie la plus importante des titres de cette dette vendus sur le marché financier.

Après des décennies de politiques néolibérales et de plans d’ajustement structurel imposés par le FMI et trois ans de récessionéconomique très dure, le peuple argentin a décidé de se rebeller contre les diktats des institutions financières internationales et de descendre dans les rues. C’est la crise politique. Cinq président se succèdent en quelques semaines et le cinquième, sous la pression de la rue, déclare la suspension de paiement, malgré les pressions extérieures.

L’année 2002 connu de grands chamboulements, avec entre autres une certaine fermeture des débouchés vers l’étranger. Mais l’Argentine réussit à économiser grâce à l’argent qui se libère de la suspension de paiement de la dette publique. De 2003 à 2009, l’Argentine enregistre un taux de croissance de 7 à 9%. Mais d’autres politiques et cercles vertueux s’étaient également mis en route, en premier lieu la récupération de certaines entreprises (même de grande taille) par les travailleurs et travailleuses, suite à l’abandon par les propriétaires.

Malheureusement, ce que l’Argentine a réellement fait est une négociation avec ses créanciers internationaux plus qu’une annulation de sa dette. Le pays avait proposé une décote (exonération) de 65$ sur chaque titre de sa dette publique en payant 35$ au lieu de 100$, décote qui fut acceptée par la plupart des banquiers de l’époque qui ne pouvaient plus vendre ces titres pour un bon prix sur le marché secondaire.  76% des titres ont alors été changés dans ces termes, ce qui a tout de même permis une réduction de 2/3 de la dette.

Il faut noter qu’une réelle suspension unilatérale s’est parallèlement opérée : à partir de fin 2001 l’Argentine n’a plus payé sa dette à l’égard du Club de Paris (cartel de pays industrialisés créanciers). On n’en parle peu, voire pas, mais il s’agit d’une véritable décision souveraine unilatérale pour faire primer les droits sociaux et économiques du peuple argentin sur les droits des créanciers.

Équateur
Un autre cas, à certains égards plus intéressant encore, est celui de l’Équateur. Rafael Correa a été élu Président de la République Équatorienne fin 2006 avec un programme basé, entre autres, sur la désobéissance aux institutions financières internationales et sur une solution concernant la dette accumulée pendant le régime dictatorial et son augmentation sans fin. Immédiatement son administration a en effet engagé un audit de la dette publique du pays sur une période allant de 1976 à 2006. Cet audit a été mené par une commission de dix-huit experts dont le CADTM et d’autres organisations de la société civile locale et étrangère. Après quatorze mois de travaux, après avoir épluché des dizaines de milliers de dossiers et des centaines de contrats, la commission d’audit a rendu son avis et a déclaré comme illégitime 85% de la dette interne et externe. Il s’agissait de titres de la dette publique qui venaient à échéance entre 2012 et 2030, pour un montant total de 3.230 millions de dollars.

Cet acte unilatéral souverain a provoqué des réactions de la part les créanciers, pour la plupart des banques nord-américaines. Après avoir menacé le pays (comme dans le cas de l’Argentine) avec tous les moyens à leurs dispositions, notamment médiatiques, ils ont commencé à revendre leurs titres sur les marchés à 20% de leur valeur. Finalement, le gouvernement équatorien est arrivé à racheter discrètement 91 % des titres pour un montant total de 900 millions de dollars. Ce qui fait, en prenant en compte ce stock de capital racheté à bas prix mais aussi les intérêts qui auraient du être payés jusqu’en 2030, une économie de près de 7 milliards. Ceci a permis de faire passer leservice de la dette de 32 % à 15 % du budget et les dépenses sociales de 12% à 25%... et d’ainsi améliorer considérablement les conditions de vie de la population. 

Islande
En se rapprochant de l’Europe, le cas de l’Islande a fait énormément de bruit, et pour cause. Le pays a vu s’effondrer ses banques en 2008 (en même temps que l’effondrement de Lehman Brothers aux États-Unis ou des banques belges ou irlandaises). Leurs dettes cumulées constituaient 10 fois le PIBdu pays. L’État n’ayant pas les moyens de les renflouer, le FMI est intervenu en accordant un prêt de 2,1 milliards de dollars à l’Islande en échange – pour changer – d’une cure d’austérité.
Entre temps, le gouvernement a bloqué les mouvements de capitaux du pays, et le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont exigé de l’Islande qu’elle rembourse les 3,9 milliards d’euros qu’il avaient eux-mêmes dégagé pour garantir les dépôts de leurs citoyens clients de la banque Icesave.
La population islandaise, en apprenant les négociations en cours entre leur pays et le Royaume-Uni et les Pays-Bas, est descendue dans la rue pour dire Non à cette socialisation des dettes privées des banques. Il aura fallu deux referendums pour refuser cette politique, mais le peuple a gagné. Sur ce point, en tout cas.

Conclusion
Ces trois exemples ne doivent pas être considérés comme des modèles, mais comme des pistes dont de nombreux pays pourraient s’inspirer plutôt que de suivre aveuglément la politique austéritaire...
Les trois pays continuent de mener des politiques néolibérales, plus ou moins selon les cas. Les économies de l’Équateur et de l’Argentine restent basées sur un modèle extractiviste-exportateur de nature capitaliste, ce qui est en train de ruiner le cercle vertueux entamé pas le refus du paiement des leurs dettes. Dans le cas de l’Islande, même si cette dette impayable fut refusée, le pays a tout de même appliqué les mesures promues par le FMI.
Malgré toutes ces limites, ces exemples montrent qu’il est tout à fait possible de refuser de payer la dette publique et que ce n’est pas le chaos qui suit, bien au contraire. Avec, dans le cas de l’Équateur une décision d’entamer un processus d’audit pour identifier la partie illégitime de la dette qui pourrait être répétée dans de nombreux pays, dont la Grèce. Pour le CADTM, une dette illégitime ou odieuse, ou tout autre dette qui empêche l’État de subvenir à ses obligations envers sa population, ne doit dans aucun cas car être payée, selon les principes mêmes du droit international, car elle ne profite pas aux intérêts de la population mais aux intérêts d’une minorité très restreinte de détenteurs de capitaux.
Enfin, l’annulation de la dette publique est une mesure qui doit être accompagnée d’autres mesures complémentaires et toutes aussi radicales (comme la socialisation du secteur bancaire, une révolution fiscale, etc.).
De nombreuses initiatives d’audit citoyen de la dette ont commencé à naître en Europe (avec le réseau ICAN : «International Citizen debt Audit Network). En Belgique, une plateforme d’audit «ACiDe» a été créée il y a un peu plus d’un an et compte aujourd’hui une dizaine de groupes locaux, ainsi qu’une trentaine d’organisations membres. N’hésitez pas à la rejoindre et à faire parler de la dette autour de vous ! Seule une mobilisation suffisante de la part de la population est de nature à changer le rapport de force actuellement en cours entre les banques et les populations.
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La Grèce vue d’Argentine
14 avril par Claudio Katz

On a souvent fait, ces dernières années, le parallèle entre la crise grecque et l’effondrement de l’Argentine en 2001. De nombreuses analyses ont souligné les similitudes quant au degré d’endettement ou à la détérioration de la situation économique et du système politique.

Ce point de vue n’a pas résisté à la nouvelle conjoncture ouverte par la victoire de la coalition de gauche Syriza. Actuellement, ce sont les différences avec le précédent argentin qui prennent le dessus.

Dans la sphère productive, l’effondrement de l’économie grecque dépasse largement le niveau atteint en Argentine. Depuis 2009 la Grèce vit une récession continue qui a fait régresser son PIBde 26%. Le taux de chômage a atteint 27% et dépasse les 50% parmi les jeunes. Les retraites et les pensions ont brutalement diminué et la pauvreté touche 40% de la population infantile.

L’effondrement qu’a connu l’Argentine s’est limité aux années 2001-2002, celui de la Grèce dure depuis six ans. La dette grecque elle aussi a surpassé la dette argentine. Elle est passée de 100% du PIB (en 2008) à 174% (en 2014).
Mais la principale différence entre les deux cas réside dans le transfert du passif grec aux Etats de l’Union européenne. Les banques créditrices – et en particulier les banques allemandes et françaises- ont utilisé les deux restructurations de la dette pour se débarrasser de cette charge. C’est par une opération frauduleuse que cette étatisation a été réalisée. Les titres ont été cotés à des prix élevés et échangés à grand renfort de crédits.

Tandis que l’Argentine avait négocié la conversion de ses dettes avec de multiples créanciers privés (en 2005), la Grèce traite sa dette avec la Direction de l’Union européenne. Cela donne un caractère politique très différent de celui qu’avait connu le pays latino-américain.

Sur le plan institutionnel, les différences sont aussi très sensibles. Dans les deux cas, la structure traditionnelle des partis, du Parlement et des fonctionnaires a été engloutie par la crise. Le système bipartite grec entre sociaux-démocrates et conservateurs (PASOK-Nouvelle démocratie) a été anéanti tout comme le justicialisme de Menem et l’UCR en Argentine.
Cet effondrement avait balayé tout le régime en place. Le Président De la Rua avait été éjecté de la Présidence et cinq présidents se sont succédés en l’espace de quelques semaines. On n’a pas assisté à une rupture de cette envergure en Grèce jusqu’à présent.

Le dénouement qui a suivi a aussi été différent. Le vieux schéma politique a été reconstruit en Argentine par les gouvernements Kirchner au cours de ces dix dernières années. Ils ont dû faire d’importantes concessions sociales et démocratiques pour désamorcer la colère populaire et recomposer les intérêts des classes dominantes.

Comme en Grèce il n’y avait personne pour réaliser cette restauration, la persistance de la crise a conduit à l’arrivée de Tsipras à la Présidence. Contrairement au kirchnérisme qui était issu du Justicialisme, Syriza n’émane pas de structures traditionnelles. C’est une force liée à la gauche radicale assumant des idéaux anticapitalistes.

Dans le cadre d’antécédents et de contextes aussi différents, la Grèce peut-elle parvenir à trouver un appel d’air sur le plan économique comme l’avait fait l’Argentine il y a 10 ans.

DES CONJONCTURES PERTURBÉES
Si la capacité de négociation d’un pays ne dépendait que de son poids économique, il serait difficile à la Grèce de suivre la même trajectoire que son homologue latino-américaine. L’Argentine est le 5e producteur mondial de produits agricoles, elle pèse d’un poids certain dans le marché du soja et bien des puissances convoitent ses ressources naturelles. La Grèce, en revanche, dispose d’une économie de petite dimension, à la périphérie de l’Union européenne, spécialisée essentiellement dans le tourisme et le transport maritime.

Ces différences sont encore accentuées par la perte de souveraineté monétaire qu’implique l’appartenance à la zone euro. L’Argentine a toujours réussi à maintenir son administration à l’écart des avatars de sa monnaie. Son défaut de paiement de la dette lui a en outre permis de laisser son économie à l’écart des turbulences des finances internationales et les pressions qu’ont pu exercer les banques et le FMI sur les négociations de reconversion des créances ont été bien moins fortes.

La Grèce, en revanche est située dans l’oeil du cyclone global. Malgré son apport réduit au PIB de l’Europe, elle est très intégrée dans tous les circuits du continent européen. Elle n’est pas à la marge de l’économie mondiale, mais à l’immédiate périphérie du centre.

Cette situation explique l’intérêt porté par la communauté internationale à la renégociation de sa dette. La négociation de la reconversion de la dette argentine en 2003-2004 s’était déroulée dans une relative indifférence car elle n’avait pas ce caractère central.

L’étatisation des passifs a encore renforcé cette centralité de la Grèce. Alors que l’échange des titres argentins a été négocié par des fonctionnaires et des banquiers, les négociations sur la dette grecque sont menées par Merkel et Hollande.

Il n’est cependant pas facile d’évaluer en quoi cela augmente ou diminue la marge de négociation du pays. Mais il est certain que l’establishment européen a été pris au dépourvu par la victoire de Syriza. Contrairement à ce qui s’était passé en 2012, les campagnes menées pour effrayer les électeurs n’ont servi à rien.

Même l’unanimité du grand capital pour pénaliser la Grèce s’est fissurée. Alors que la Troïka reste sur ses positions dures traditionnelles, plusieurs représentants de la haute finance prônent des négociations plus souples. A l’intransigeance des conservateurs allemands fait face la volonté de temporisation affichée par les hommes politiques français.

La bourgeoisie craint de plus en plus l’apparition de plusieurs Siriza en Europe. Elle est particulièrement préoccupée de la vague de mobilisations qui commence à se cristalliser en Espagne sur le plan politique. «Podemos» rassemble la jeunesse indignée et les 300 000 personnes qui ont fêté à Madrid le triomphe de la gauche en Grèce, pourraient annoncer une tendance susceptible de s’étendre à l’Irlande, au Portugal ou à la France.

Les craintes suscitées par ces nouvelles forces sont bien plus fortes que celles qu’avaient pu provoquer le risque d’un effet domino sur le plan économique. Un défaut de paiement de la dette grecque n’effraie pas particulièrement les banques et la victoire électorale de Syriza n’a pas affecté le comportement des Bourses.

Cette relative indifférence traduit une certaine décrispation générale des finances européennes. Le dogme déflationniste de Merkel est arrivé à son plafond et le Plan Draghi a amorcé un assouplissement monétaire. On assiste en Europe à une répétition des mécanismes de rachat de dettes (Quantitative Easing) que les Etats-Unis avaient mis en place pour faire face à la crise.
D’autre part, la question grecque intervient au moment où de nouvelles tensions apparaissent, liées au conflit ukrainien. Cette nouvelle donne permet à Siriza, et c’est inédit, de s’appuyer sur la Russie pour contrecarrer les pressions de la Troïka.

La victoire de la gauche en Grèce constitue de surcroît un contrepoids à la vague d’islamophobie réactionnaire qui a suivi l’attentat contre Charlie Hebdo. Syriza constitue un espoir progressiste qui pourrait inaugurer un tournant important dans le Continent. C’est pourquoi il est utile de pousser plus avant la comparaison avec ce qui s’est passé en Amérique du Sud.

DIFFÉRENCES RÉGIONALES
Tsipras a inauguré son mandat par des mesures en faveur des plus démunis qui ne veulent plus rien savoir des diktats de la Troïka (Mémorandum). Il a rétabli l’électricité dans 300 000 foyers qui en avaient été privé, il a fixé un nouveau salaire minimum et a ordonné la réintégration de 3 500 travailleurs licenciés. Il a dissous l’organe créé pour réaliser les privatisations et a suspendu la vente des ports de Thessalonique et du Pirée.

Syriza a réaffirmé par ces premières mesures sa volonté de mener une politique économique de rupture, très différente de la continuité qui avait marqué le gouvernement Kirchner à ses débuts. En Argentine, la continuité des programmes et le maintien des ministres du gouvernement précédent (Duhalde-Lavagna) avaient permis de parachever l’assainissement des capitaux entamé avec la méga-dévaluation de 2002.

Le respect des normes déflationnistes de l’euro a empêché les gouvernements du Pasok et de la ND de réaliser ce type de nettoyage, que les capitalistes utilisent pour restaurer la rentabilité de leurs entreprises au détriment des salaires.

Syriza a toujours opposé des alternatives progressistes à tous ces ajustements régressifs. Mais la mise en œuvre actuelle de son programme nécessite une modification du rapport de forces. La coalition est arrivée au pouvoir après une lutte sociale intense, mais son ascension s’est faite à un moment de reflux. Sa victoire électorale doit maintenant se projeter dans la rue et dans les rapports de pouvoirs.

Là aussi, la situation diffère de ce qui est arrivé en Argentine. Dans ce pays la rébellion de 2001 avait introduit un changement radical en faveur du camp populaire. Kirchner a pris ses fonctions en acceptant le tournant politique et social imposé par la lutte des piqueteros et de la classe moyenne.

Les similitudes entre les expériences grecque et argentine sont plus significatives sur le plan régional. Il est clair que la récupération des acquis nécessite un contexte européen plus perméable aux intérêts populaires. On pourrait imaginer que le triomphe de SYRIZA serait équivalent à la victoire remportée par Chavez en 1999. Cet événement triomphal avait été suivi de soulèvements populaires réussis (Argentine, Equateur, Bolivie) et de victoires contre la droite lors de plusieurs élections sud-américaines.

Ces processus ont été déterminants dans une région qui, au cours de la dernière décennie, s’est singularisée par des dynamiques opposées à l’offensive néolibérale. Le renchérissement des prix des matières premières a permis de contenir les dégâts provoqués par les capitalistes.

Cela peut-il se répéter à la périphérie de l’Europe ? Sera-t-il possible d’inverser la pression déflationniste imposée par l’euro ? De construire un mouvement de résistance similaire à celui qui s’est opposé à l’ALCA en Amérique du Sud ?

La priorité de la droite est d’empêcher que cela n’arrive en opposant la Grèce au reste de l’Europe. Les Conservateurs calomnient le peuple grec, présentant les tares de la bureaucratie et des capitalistes (corruption, fraude, irresponsabilité financière) comme un ADN de la société toute entière. Des insultes similaires sont diffusées par la presse des Etats-Unis contre plusieurs pays d’Amérique latine.

Un expert reconnu dans ce genre de manipulations rabâche le discours impérial, harcelant les Grecs qui «ont choisi de se faire harakiri»et veulent copier le «populisme vénézuélien». Déformant la réalité, il qualifie de suicidaire la première tentative de donner un coup d’arrêt aux mesures criminelles sur le plan social imposées par la Troïka. 

Heureusement ces inanités ne pèsent guère face à la solidarité avec la Grèce qui s’amplifie des deux côtés de l’Atlantique. La défense de SYRIZA et du processus bolivarien converge en une même résistance à l’agression impériale. 

DILEMMES DE LA NEGOCIATION
Le maximum de ce que peuvent attendre les négociateurs grecs de leur négociation avec leurs créanciers est un allègement du passif, comme l’avait obtenu l’Allemagne Fédérale en 1953. Tsiras évoque cet antécédent pour rappeler la dette économique et morale due par la puissance allemande pour les crimes commis pendant l’occupation nazie. Le ton explicitement politique de cette exigence corrobore les différences avec les négociations menées par l’Argentine il y a 10 ans.

Tablant sur un allégement substantiel de la dette, la direction de SYRIZA met sur la table plusieurs propositions d’allègements, refinancements et paiements alignés sur la croissance. Ces options prévoient la possibilité d’une plus grande redistribution liée à des prélèvements fiscaux plus importants sur les capitalistes locaux, ou des paiements moins importants du passif si une réforme fiscale progressive n’est pas mise en oeuvre.

Tspiras pense qu’il peut gagner ce bras de fer. Il pense que la menace de radicalisation qu’incarne Syriza fera plier les créanciers. Il souligne la force paradoxale des faibles lorsque les puissants sont divisés. Il espère pouvoir renforcer le poids continental de David face à Goliath, dans les longues négociations qui s’annoncent.

Mais pour mener à bien la gestation de ce scénario, il a besoin d’éviter la noyade inévitable qu’impliquerait le paiement des prochaines échéances. C’est pourquoi le nouveau gouvernement demande l’octroi d’un prêt-relais de six mois. Ce laps de temps, permettrait de renforcer la campagne de défiance à la Troïka initiée par le ministre Varoufakis.

Certains analystes estiment que la Grèce ne pourra pas obtenir les allègements qui avaient été concédés à l’Allemagne en 1953. Ils notent que le pays est un débiteur en situation d’opposition et non pas d’alliance avec ses créanciers. Ils rappellent que les gouvernements occidentaux ont effacé la dette allemande dans l’après-guerre, pour pouvoir reconstruire une économie-clé dans la lutte contre le communisme. Par la suite, le gouvernement des Etats-Unis a encouragé des allègements similaires en faveur de gouvernements subordonnés (Egypte) ou fantoches (Irak). La Grèce actuellement se situe aux antipodes de ces situations.

Cependant, tous ces antécédents montrent que c’est le politique qui prime sur les considérations économiques dans la gestion de la dette. C’est pourquoi il est difficile de prévoir quelles seront les péripéties de la dette grecque.
Au cours des dernières années, les renégociations étaient synonymes d’austérité. Le scénario prévu par la Troïka pour le pays impliquait le refinancement des échéances (21 000 millions d’euros), en échange de licenciements massifs et de privatisations. Dans la nouvelle conjoncture, le terme même de renégociation renvoie à une véritable bagarre sur qui va payer les trous de la dette.

Mais il est évident qu’une stratégie pour faire plier la Troïka doit prévoir des réponses à l’éventuelle intransigeance des créanciers. Que faire s’ils continuent à exiger la poursuite des mesures d’ajustement ?
L’annonce par la BCE d’un arrêt des financements octroyés aux banques grecques donne un avant-goût de cette intransigeance. Si ce robinet de liquidités est fermé, les institutions grecques devront recourir pour survivre à des fonds d’urgence très onéreux.

Cette dépendance financière traumatique pourrait empêcher la trêve de six mois proposée par Tsipras. Les tensions bancaires pourraient être encore aggravées si la fuite des capitaux qui a accompagné la victoire électorale de la gauche se poursuit. En quelques semaines, des montants équivalents à tous les revenus engrangés au cours de l’année 2014 se sont envolés.

À cet égard, l’expérience de l’Argentine est instructive, car les mesures prises pour freiner les fuites massives de capitaux (le «corralito») en 2001-02 ont été très traumatiques. Ce type d’hémorragie doit être contenu avant que les réserves et les ressources en devises ne disparaissent. Seul un projet précis de nationalisation des banques et de contrôle des mouvements de capitaux permettrait de faire face à cette crise.

On peut spéculer à l’infini sur ce que sera en fin de compte l’attitude de la Troïka, mais il est essentiel d’avoir un plan B pour poursuivre les négociations, tout en protégeant les réserves et en sauvegardant le système bancaire. On a vu à Chypre en 2013 comment les créanciers sont des maîtres chanteurs qui jouent sur plusieurs tableaux.

UN BRAS DE FER DE FER AUX MULTIPLES SCENARIOS
Siryza aura à faire face à des dilemmes similaires s’il décide de suivre les propositions du cabinet Lazard. Son plan propose d’annuler un tiers du passif et de subdiviser la charge restante en deux parties. Une partie serait échangée contre des titres alignés sur la croissance, les paiements seraient déterminés en fonction d’un certain pourcentage de la croissance du PIB. Un autre segment serait consolidé en dette à très long terme, soumises à un taux d’intérêt à déterminer. Cette restructuration du passif amènerait le plafond de la dette à 120% du PIB.

Mais ce pourcentage serait à un tel niveau qu’il entraverait le développement de l’économie grecque. Lors de la reconversion de la dette argentine, le plafond avoisinait seulement la moitié de ce pourcentage. L’expérience du Cône Sud indique également que les obligations liées à la croissance sont une épée à double tranchant. Elles peuvent entraîner des paiements très onéreux qui seront financés par des emprunts intérieurs. Les taux d’intérêt de toutes les opérations concernées sont un autre risque important.

Comme toute négociation peut entraîner de telles mésaventures, il serait important de mettre en œuvre un audit pour clarifier l’origine et la légitimité de la dette. Cette vérification permettrait de réfuter tous les arguments néolibéraux et de démontrer que ce sont les escroqueries perpétrées par les banquiers qui ont gonflé la dette.

Il est relativement facile de mettre en œuvre un audit, puisque 80% de la dette est aux mains de la Troïka et remonte tout au plus à 2010. Un audit rapide montrerait comment des subventions scandaleuses ont été accordées aux banques en violation des règles de la BCE. Il montrerait également le poids des dépenses militaires dans les dettes antérieures et les fortunes accumulées par des entreprises étrangères dans ces opérations. 

En Argentine aucun audit n’a jamais été réalisé et des enquêtes partielles dorment dans les tribunaux et au Congrès. C’est pour cela que les reconversions ont été réalisées sur la base de titres supposés valides mais sans garanties. Cette fraude est de nouveau apparue lors de la récente crise avec les Fonds vautours. Les spéculateurs exigent des millions pour des bouts de papier manquant de toute légitimité qu’ils ont acquis pour deux sous trois centimes.
Mais l’audit n’est qu’un élément d’un ensemble complexe de mesures à prendre sur plusieurs fronts. Démontrer l’inconsistance de la dette contribue à sensibiliser la population, mais ne résout pas les défis posés par la résistance au Mémorandum. 

Cette bataille nécessite autant de finesse que les réponses à apporter aux menaces d’expulsion du pays de l’euro. Syriza a fait face à cette pression avec beaucoup de justesse, en proclamant son intention de rester dans le circuit monétaire, sans accepter «aucun sacrifice pour l’euro». Grâce à cette position, il a évité le faux dilemme entre sortir ou rester dans la zone euro, comme s’il s’agissait d’un choix volontaire des Grecs. Ce sont les créanciers qui portent la responsabilité de ce problème. C’est donc à eux que revient la décision de mettre le pays en dehors de la monnaie commune.

Rester dans l’euro tout en acceptant l’ajustement est aussi nocif que réintroduire l’ancien drachme après une forte dévaluation. Les deux voies entraveraient le redressement socio-économique que Syriza veut réaliser. La solution au dilemme monétaire est imprévisible et sortira de la bataille en cours.

Ceux qui pensent que la Grèce pourrait rééditer la méga-dévaluation de l’Argentine 2001-02 pour encourager un cycle de croissance soutenue, oublient quels ont été les effets traumatisants sur le plan social de cette mesure. La reprise de l’économie sud-américaine n’a été que marginalement alimentée par la fin de la convertibilité. Elle est surtout imputable à l’insertion particulière du pays dans les marchés revalorisés des matières premières.

QUELLES LEÇONS POUR LA GAUCHE ?
Pour finir, il conviendrait de renverser la comparaison. Qu’est-ce que la gauche argentine peut apprendre de SYRIZA ?
C’est d’abord le modèle de construction politique qui a été contrecarrée en 2001-03. Cette possibilité a été compensée par l’émergence de la direction Kirchner, qui a canalisé et désactivé la protestation populaire. Mais ce qui n’avait pas émergé il y a quinze ans est en train de prendre forme aujourd’hui. La nécessité de créer une grande force de gauche n’est plus liée à la catastrophe économique ou à l’effondrement du bipartisme. C’est le corollaire d’une décennie d’expérience avec les gouvernements de Nestor et Cristina.
Les limites de ce cycle ont entraîné une insatisfaction qui a permis la consolidation de plusieurs alternatives de droite (Macri, Massa, Scioli, Binner, Cobos). Mais le même processus conduit aussi à l’émergence d’options à gauche. Ce qui est arrivé en Grèce apporte un nouveau souffle à cette dernière alternative.

Il y a des résonnances entre Syriza et les expériences populaires au Venezuela et en Bolivie, ces dernières étant plus proches de la réalité argentine. Mais dans les trois cas, un gouvernement de coalition de gauche arrive au gouvernement et affronte les classes dominantes et l’impérialisme.
Parvenir à la présidence et obtenir des majorités parlementaires est la première étape d’une bataille anticapitaliste qui avancera dans la construction du pouvoir populaire nécessaire pour conquérir l’Etat et l’hégémonie de la société.

Syriza a montré comment avancer en affichant son ambition de gouverner. Il ne s’est pas contenté de dénoncer l’ordre dominant ou de résister aux abus de capital. Sa vocation à la présidence a été perçue par la population, après le grand bond électoral réalisé il y a deux ans. La coalition s’est cristallisée, elle a géré des municipalités, elle a été rejointe par des intellectuels et a développé un programme plus précis.

Mais les débuts de gouvernement Syriza illustrent également les dilemmes que pose le début d’une bataille électorale pour le pouvoir. Il devient nécessaire de fixer des priorités et d’accepter des compromis. On peut illustrer cela avec la position prise face à l’OTAN. L’objectif est toujours de couper les liens avec cet organisme mais cela n’est pas possible dans l’immédiat. La priorité est donnée au bras de fer économique et non au démantèlement des bases américaines.

Un autre exemple est l’accord conclu avec la formation nationaliste ANEL, suite au refus du Parti communiste (KKE) de participer au gouvernement. Cette décision a été compensée par des mesures de sauvegarde (vice-ministres pour partager certains secteurs) et des initiatives démocratiques sur des sujets conflictuels (octroi de la citoyenneté aux enfants d’immigrants). Mais les accords passés avec ANEL limitent les sanctions contre les privilèges de l’Église et de l’armée. Il est important de tenir compte de ce genre de concessions, si on veut analyser avec un peu de sérieux le projet d’accès au gouvernement par la voie électorale.

SYRIZA illustre comment construire une coalition de gauche en surmontant la division et le sectarisme. En Grèce, elle a regroupé des courants venant du socialisme, de l’eurocommunisme et du trotskysme. Elle s’est radicalisée en assumant un profil clairement anticapitaliste, se démarquant ainsi de l’expérience précédente de Sinaspismos. Le courant interne le plus radical au sein de SYRIZA (la Plateforme de gauche) compte parmi elle des personnalités reconnues et regroupe 30% des adhérents.

La coalition grecque ouvre des voies possibles pour la gauche argentine. Le front a mûri dans la lutte contre les courants qui défendaient une alliance avec des personnalités de la social-démocratie (PASOK), similaires à celles qui avaient été parrainés par le centre gauche anti-kirchner (Binner).
Syriza a également lutté contre un courant sectaire très enraciné (KKE), qui présente les mêmes défauts que de nombreux courants de la gauche argentine. Il oppose sa propre construction à toute alliance avec des groupes proches et refuse de participer au gouvernement de Tsipras. Ses critiques au nouveau gouvernement ressemblent à celles qui sont avancées dans notre pays contre Chavez/Maduro ou Evo Morales.

 Syriza fournit également un bon exemple de coexistence entre différentes cultures de la gauche. Il a intégré la vieille garde qui a combattu la dictature des colonels avec de nouvelles générations incarnées par Tsipras.
Dans la conjoncture actuelle de l’Argentine, le groupe le mieux placé pour tenter une construction similaire à celle de Syriza est le FIT.  Il est devenu la principale force de gauche, il canalise le mécontentement radicalisé et est bien positionné pour la prochaine confrontation électorale.

Mais le grand paradoxe est l’hostilité de nombreuses composantes du FIT à Syriza. Ce rejet s’exprimé de façon plus ou moins explicite, à travers des questions et des félicitations adressés au nouveau gouvernement. Cette réaction n’est pas la première ni la seule contradiction du FIT. Il sera important de voir s’il parvient à dépasser cette ambivalence.



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